Ce discours a été prononcé à l’occasion du 5ème concours d’éloquence organisé par l’Alliance Française le 24 mars 2011.
Il était une fois un poète perdu qui cherchait sa rime
Venant d’un pays où vivaient les légendes anonymes
Il déambulait dans les rues de la grande ville tard le soir,
A la recherche d’une oreille prête à écouter son histoire,
C’est l’histoire d’une lointaine contrée où les gens désespéraient. On leur avait promis qu’ensemble tout deviendrait possible mais on s’acharnait à les séparer. Dans ce pays on circule presque librement. On y mange du pain et du fromage, du moins c’est ce qu’on m’en a dit. On y regarde un peu trop la télévision et on y s’y fait, malheureusement. On y rit beaucoup mais on y râle aussi, souvent. On y chante. On y mange. On y pleure. On y naît, on y vit, on y meurt.
Dans cet acceuillant pays, on aime entretenir les paradoxes. On y est heureux d’être tristes. On y est harmonieusement désordonnés, comme ces peuples du passé dont la culmination précédait le chaos. Les uns avec les autres, on vit les uns si loin des autres. Le sourire à l’envers, on chante en chœur la solitude de nos cœurs. Assis dans des agapes où l’on goûte l’amertume de nos larmes.
En cordée dans le métro, on court tous après le temps et, comme le temps c’est de l’argent, on veut tous devenir riches. On rêve d’être des cadres, tous connectés, pendus au bout du fil. Le téléphone dans la main, on consulte les informations en temps réel. Irréelle, notre dimension est presque devenue parallèle. Complices de notre propre désespoir, on se prend à rêver de s’échapper mais on redescend vite sur terre, notre ambition est de réseauter, de twitter, chatter, surfer les pages web pour s’évader…par les mots.
Les mots sont des soldats, les phrases des bataillons. Tous se joignent en ordre dans des armées paragraphes. On les envoie à la guerre en sachant qu’ils risquent d’y perdre leur sens. Des fois, des sentences commandos sont lancées pour porter le coup décisif, puis l’adversaire rétorque et on se retrouve de nouveau sur la défensive. Bataille argumentaire, orateurs amenés à débattre, joutes verbales et prises de becs, invectives qui montent en crescendo…
Les mots sont des musiciens, ils avancent en rythme cadencé, le pas stressé, portant leur fardeau, pressés. Ils ricochent et décochent, puis font des contresens en contrebas, accrochent ou rapprochent, une fois enlevée leur tenue de combat. Les mots sont des notes, qui cliquètent de coquillages en coquelicots, de clics et de claques, de Kafr el Dawar à Pimlico.
Cette histoire de mots est la notre, c’est cet homme là bas qui me l’a racontée…
Et si vous lui demandez il vous dira :
Je suis le poète perdu qui a trouvé sa rime
Et je rentre chez moi, au pays des légendes anonymes.