Un peu paumée. Sandra était entre deux. Ni trop, ni pas assez. Tiraillée entre deux vies, entre deux mondes, sans trop savoir vers qui se tourner. L’information, elle pourrait t’en parler, elle la guette avant même qu’elle ne se produise. Obsédée du temps réel, sous perfusion d’internet haut débit. Au début, on se dit « c’est rien, on a tous des hauts et des bas », mais débats débiles et prises de tête l’on tirée par le bas.
A force de tourner en rond, les discussions virent à l’obsession, les yeux dans le miroir, on finit par se convaincre qu’on a raison. Elle, comme une bougie parmi tant d’autres, voit se consumer sa vie sans trop savoir comment ranimer cette petite flamme. Femme, éteinte, renfermée, à la recherche d’une étreinte, de quelqu’un qui viendrait combler ce vide qui éreinte son cœur sans fond, sans fin, chaque jour après le précédent, c’est triste comme un dernier espoir décédant…
Un mur de mensonges bordé par une rivière de silence abrite des peurs et des ombres qui remontent à l’enfance. Dehors, rien n’y paraît, ou presque, comme l’une de ces affiches figuratives où seuls les yeux disent la vérité. A trop cacher son cœur, même ceux qui l’aiment ne savent plus trouver les mots pour lui parler. Condamnée à être seule.
Seule, même au milieu de la foule, dans un monde qui ne la comprend pas. Un monde qui n’est pas vraiment prêt à écouter ce qu’elle a à dire. Un monde qui attend de la juger avant même qu’elle n’ait dit un mot. Un monde plastique où la tristesse n’a pas le droit d’être exprimée. Un monde où on doit sourire, mais quand on pleure à l’intérieur. Un monde où tes collègues te demandent « ça va ? » sans attendre grand-chose de ta réponse.
Le soir, les larmes fusent et rompent le calme de son appartement. Même étouffés par le silence d’un vêtement, ses sanglots sont assourdissants. Ils nous disent à tous à quel point notre humanité est une farce et à quel point nous sommes étrangers les uns aux autres. Comme Sandra, nous jouons tous un rôle dans notre vie publique. On enfile un costume, on essaie de sourire pour donner le change. On fait mine de s’intéresser aux sujets du moment pour suivre la conversation, tout en vivant une expérience totalement différente à l’intérieur.
Qu’est ce qui fait que l’on peut se distancier les uns des autres tout en prétendant être des hommes et des femmes qui ont, en parole au moins, le souci de faire le bien ?
Comment expliquer cette empathie à géométrie variable envers nos semblables ?
Quand on dit à quelqu’un « je t’aime », qu’est ce que ça veut dire exactement ?
Au-delà des bons sentiments que chacun veut bien exprimer, quelle est la réalité qui fait le rapport humain dans nos sociétés modernes ?
Cette série d’articles explorera de manière un peu plus approfondie ces questions en utilisant une approche pratique. Nous étudierons aussi un cas emblématique très discuté dans la littérature économique et psychologique : l’assassinat de Kitty Genovese à New York en 1964.
A suivre…